Mesdames et messieurs,
Bonjour et bienvenue à la cérémonie de la 106e commémoration de l’armistice du 11 novembre 1918, en présence des enfants de l’école de Machilly, de notre Conseil Municipal des Jeunes, ainsi que de l’harmonie municipale de Machilly-Saint-Cergues. À la fin de la cérémonie, nous serons heureux de vous accueillir sous le préau derrière la mairie pour un moment de convivialité.
Nous nous retrouvons comme chaque année en ce 11 novembre 2023 afin de commémorer une victoire. Une victoire lors d’un conflit qui nous paraît aujourd’hui d’un autre temps, une victoire que les jeunes apprennent à commémorer à nos côtés, afin de perpétuer la mémoire collective, mémoire fragilisée par la disparition de Lazare Ponticelli, le dernier des poilus, qui s’est éteint en 2008, mais aussi celle de nos grands-parents, ceux et celles qui ont vécu la Première Guerre mondiale, et qui aujourd’hui ne sont plus très nombreux. Il nous reste les écrits, les films, les récits historiques, il nous reste nos propres mémoires, provenant de cette tradition orale qui tend à disparaître, qui s’étiole au fur et à mesure du temps moderne, du temps de l’immédiateté, celle qui semble rétrograde si elle ne s’exprime pas en 240 caractères sur X en quelques minutes sur les réseaux sociaux.
C’est pourquoi l’implication de nos écoles et de notre CMJ est essentielle. Je les remercie d’être toujours au rendez-vous de l’histoire. Comme vient de le rappeler le CMJ dans son poème, nos jeunes perpétuent la fonction commémorative du souvenir de ceux et celles qui ont donné leur vie pour la France, mais aussi encouragent les engagements sous toutes leurs formes.
Chaque année, il me semble me répéter, rappeler qu’il y a un siècle déjà, exactement 106 ans, l’horreur de la Première Guerre mondiale, l’horreur des tranchées, des batailles, de la peur au ventre, transmise par l’essor des correspondants de guerre et par des documentaires dès 1916. La guerre se montre sous son vrai jour, les reportages soulignent la réalité des combats et tout semblait donner la leçon du « plus jamais ça ».
Nous pensions qu’au 21e siècle, nous ne connaîtrions plus ces terribles face-à-face d’armées nationales, avec ce décompte lugubre des morts, où chaque jour les proches se pressaient pour savoir si leurs fils, leurs frères, leurs maris, leurs pères vivraient encore un jour. Au 21e siècle, nous affrontions d’autres types de conflits, plus diffus, frappant sans qu’on s’y attende, avec des morts abruptes, comme lors des attentats du 11 septembre, de Charlie Hebdo, du Bataclan, des actes de barbarie isolés, que nous pensions pouvoir circonscrire, ici et ailleurs, loin de nous…
Et soudain, voilà que ces conflits meurtriers, qui nous semblaient si loin, frappent aujourd’hui la porte voisine. La situation en Ukraine nous a ramenés aux horreurs de la guerre. Cela fait déjà deux ans que nous assistons impuissants à un décompte macabre, dans un conflit qui s’enlise. Et puis voilà qu’en un an, nous sommes confrontés à des actes de violences insupportables entre le Hamas et Israël. Le conflit latent et violent depuis la résolution des Nations Unies en 1948 met en exergue la fragilité des accords territoriaux, encourageant rancœur, terrorisme et actes de vengeance de part et d’autre depuis des décennies. Et voilà que se mêlent des morts, non seulement de soldats et de personnes qui se sont engagées dans les conflits armés, mais surtout, ce qui rend ce conflit insupportable, des civils, des femmes et des enfants de chaque côté, et qui s’étend jusque dans les pays voisins.
Maintenir le fragile équilibre de la paix semble impossible dans ce contexte où la mort appelle la mort. Des soutiens politiques internationaux et intra-nationaux, populaires, se montent de part et d’autre, pour un parti, pour l’autre, et c’est l’escalade d’un conflit qui s’exporte, nous montrant que rien n’est réglé, que la diplomatie est une fois de plus impuissante.
En ce jour de recueillement à la mémoire de ceux et celles qui sont tombés pour la France, à ceux et celles qui tombent encore aujourd’hui pour nos idéaux, à ceux et celles qui tombent partout dans le monde pour défendre leur pays et leurs droits : rappelons-nous que nous pouvons ici et aujourd’hui nous recueillir ensemble grâce à ces sacrifices. Le devoir de mémoire n’est pas seulement de rappeler les noms des personnes tombées, inscrits sur nos monuments, mais aussi les leçons sur le pourquoi elles sont tombées. Ils étaient partis, la fleur au fusil, dans un esprit de vengeance et de réparation de conflits passés. L’Histoire nous a pourtant appris qu’une mort ne venge pas une autre mort, et que quatre ans de barbarie ne font que rajouter des morts à des morts. Rien ne permet d’apaiser la brûlure de la perte d’un proche, d’un enfant tombé sous la barbarie, rien, si ce n’est que l’espoir d’un dialogue reconstruit.
Appelons à ce qu’aujourd’hui et maintenant vivent les leçons du passé, pour nous permettre d’aider à la construction de la paix et de l’apaisement, quand bien même elle semble encore lointaine et difficile. Et pour ceux qui appellent la guerre de leurs vœux, les poilus ne sont plus là pour nous en parler, mais d’autres combattants et d’autres récits le peuvent, montrant à quel point la guerre est un traumatisme et non une victoire. Jean Giono écrivait en 1934 : « Je ne peux pas oublier la guerre. Je le voudrais. Je passe des fois deux jours ou trois sans y penser, et brusquement, je la revois, je la sens, je l’entends, je la subis encore. Et j’ai peur... Vingt ans ont passé. Et depuis vingt ans, malgré la vie, les douleurs et les bonheurs, je ne me suis pas lavé de la guerre. L’horreur de ces quatre ans est toujours en moi. Je porte la marque. Tous les survivants portent la marque. »
Merci. Après la cérémonie, nous pourrons partager un moment de convivialité sous le préau derrière la mairie.