Mesdames et messieurs,
C’est avec plaisir que je préside, au nom du conseil municipal, cette cérémonie du 14 juillet, un peu en avance.
Pourquoi le 14 juillet ? Par convention, par sens de l’Histoire, nous nous retrouvons pour commémorer un 14 juillet 1789, journée bien sanglante, représentant la prise de la Bastille, symbole de la fin de la monarchie absolue, symbole de la fin des privilèges de naissance, de la toute-puissance d’une caste, lieu de l’emprisonnement de l’opinion politique et de censure, pour construire une société fondée sur l’égalité de vie et non de naissance, et une fraternité entre tous les citoyens.
Pourtant, le choix de la fête nationale un 14 juillet, c’est bien plus que cela : c’est par une loi, signée à l’époque par 64 députés, qu’est adoptée par l’Assemblée le 8 juin et par le Sénat le 29 juin 1880, le fait que « La République adopte le 14 juillet comme jour de fête nationale annuelle », sans indiquer quel événement précisément est commémoré. En effet, en 1879, la IIIe République naissante cherche une date pour servir de support à une fête nationale et républicaine. Si le 14 juillet 1789 (prise de la Bastille) est jugé par certains parlementaires comme une journée trop sanglante, la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 permet, elle, d’atteindre un consensus. Cette date « à double acception » permet d’unir tous les républicains. Cette symbolique consensuelle de l’Assemblée nationale me paraît d’autant plus significative dans le contexte actuel.
Cette année, nous sommes confrontés à une crise de société, une crise politique de confiance et de défiance sans précédent… pardon, non, avec des précédents, dans l’Histoire, qui semblent se répéter et qui nous démontrent à quel point l’équilibre et les lignes de conflits sociétaux sont fragiles. Ces lignes ne tiennent qu’à un fil, et leur dénouement peut prendre plusieurs chemins : la violence ou le dialogue. Notre chère démocratie, qui a mis plus d’un siècle à se construire après les événements de la Bastille, oscillant entre violence et compromis, est très fragile. Mais, comme par le passé, l’équilibre entre les citoyens et citoyennes de notre société se reconstruira. Toutefois, nous espérons que cela se fera par le dialogue et non par la violence. C’est le choix que je fais, non pas de célébrer la prise de la Bastille, mais de fêter le 14 juillet 1790, symbole de l’Union de la Nation et, je cite, « qui n’a coûté ni une goutte de sang, ni une larme », montrant que l’union fraternelle volontaire de toutes les parties de la France et de tous les citoyens français, sous les nouveaux termes de la liberté, de l’égalité et de la fraternité, pouvait se construire sur un compromis non sanglant. Ce compromis a été accepté par tous les parlementaires, républicains comme royalistes. C’est ce 14 juillet-là qui m’inspire, celui que j’ai envie de commémorer aujourd’hui. C’est celui sur lequel j’espère que nous saurons nous inspirer pour faire face, ensemble, à notre situation politique, sociale et environnementale, à ces crises qui s’amplifient.
Vous pensez peut-être, sans oser le dire, « encore un discours qui prône l’apaisement et la solidarité alors que tant d’injustices nous révoltent, dans nos vies, dans celles de nos voisins, de nos proches ». Oui, il est vrai que notre société traverse un moment social difficile : certains nous semblent plus égaux que d’autres, ce qui crée un sentiment de malaise et d’injustice sociale. Certains semblent prendre beaucoup de libertés au nom de la liberté d’exprimer nos pensées sans tabou, sans filtre, grâce à la rapidité de nos moyens de communication, sans réfléchir aux conséquences, lorsque nous nous laissons prendre au jeu de la réaction immédiate, celle qui soulage et nous fait passer à autre chose. La fraternité semble parfois se pratiquer uniquement avec nos proches, et petit à petit, cela transforme notre monde en une communauté cloisonnée, propice à plus d’intolérance.
Après les temps difficiles que nous traversons socialement, il me semble d’autant plus important de revenir sur les trois mots emblématiques de notre société et sur pourquoi nous continuons à construire notre vivre ensemble sur ces valeurs. Méditons sur ce proverbe indien : « Sur les sentiers où tu marches, il n’y a pas d’étrangers, il n’y a que des amis que tu ne connais pas encore… »
Milan Kundera écrivait que « l’optimisme est l’opium du genre humain », comme une boutade qui vaut la prison à son héros. Mais pourtant, aujourd’hui, nous espérons que cela soit vrai et que nous soyons accros à cet optimisme.
Depuis que je préside cette cérémonie, je vous parle de trois mots qui sont aujourd’hui les principes sur lesquels nous aimons penser notre nation. Ils guident notre République et notre Constitution, notre conception de la démocratie. Ils nous semblent fermement acquis… Liberté, Égalité, Fraternité. À chaque crise, à chaque défi, laissons ces trois mots nous guider. Ou mieux, trouvons leur équivalent aujourd’hui : la Liberté, au contour si fragile, s’est construite autour de la liberté pour chaque individu de s’exprimer et d’agir. Elle se doit d’être rappelée à son corollaire : le respect des libertés des autres, qu’ils soient nos concitoyens, nos voisins, ici ou ailleurs, mais aussi les générations futures. Les inégalités, tant décriées par le passé, doivent nous permettre de renouveler nos façons de comprendre comment les inégalités de naissance persistent dans la société, entre individus, entre hommes et femmes, et de dépasser peut-être le concept d’égalité pour tendre vers plus d’équité. Et pour ce faire, la fraternité suffira-t-elle à combler les divisions politiques et idéologiques que les dernières élections ont révélées, ou devrons-nous inventer de nouvelles formes de solidarité et de consensus politique, comme ce compromis trouvé lors de la Fête de la Fédération ?
Ainsi, notre devise nationale, fêtée aujourd’hui, Liberté, Égalité, Fraternité, devrait peut-être intégrer leurs corollaires : Liberté et Respect, Égalité et Équité, Fraternité et Solidarité. Ce sont les valeurs que nous voulons promouvoir dans notre village, en trouvant un équilibre entre la préservation de l’histoire de ce territoire dans nos mémoires et notre lien avec les Machilliens et Machilliennes, sans oublier d’où nous venons, tout en réussissant l’intégration des nouveaux habitants, en adaptant nos services et pratiques. Cela se fera par le dialogue, mais aussi par des choix concertés, avec du temps et de la patience.
C’est pourquoi ces moments de convivialité sont le moyen le plus simple d’aller vers l’autre, de construire des liens durables dans notre village. Alors, profitons de ces intermèdes musicaux avant de partager un concert ensemble, qui a magnifiquement rythmé notre soirée : Funk on the Water, et en avant-première, un tout jeune groupe, Mach BB pour Machilly Brass Band, composé uniquement de jeunes dont la majorité vient d’obtenir leur brevet d’études musicales. Vous pourrez leur rendre hommage tout en vous restaurant grâce aux associations qui se sont coordonnées pour vous faire patienter jusqu’au feu d’artifice prévu à 22h45 !
Et avant tout, j’ai le plaisir de vous inviter sur l’esplanade du lac pour un verre de l’amitié, une fois que nous aurons entendu résonner…
Les Allobroges