Commune de Machilly

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DISCOURS DU 15 AOÛT

Bonjour et bienvenue à la 81e commémoration de la libération de notre village, célébrée conjointement avec la commune de St Cergues, pour ceux et celles qui le souhaite, rappelant le lien qui unit ces 2 communes. La 1ere cérémonie ici à Machilly, devant l’hostellerie savoyarde, ce lieu si symbolique de la journée que nous commémorons aujourd’hui, ce lieu où de si rudes combats ont permis de faire basculer l’Histoire. Puis au Bois Davaut, là où le courage d’un autre groupe a combattu, permettant de pérenniser la victoire à Machilly et du Chablais.

Nous serons accompagnée par l’Harmonie municipale de Machilly - Saint Cergues, que nous remercions d’être encore et toujours fidèles dans toutes nos cérémonies. Je tenais à remercier le Foyer Saint François, aujourd’hui le foyer arbre de vie, de nous accueillir et sa nouvelle directrice, Mme Catherine Bissette, Mme Agnès Beauhaire, Présidente d’espoir 74. Nous vous remercions toutes et tous d’être présents afin de nous d’honorer le mémoire de ceux et celles qui ont combattu et donné leur vie pour la liberté.

Nous démarrerons ce moment par :
Hommage aux morts
Ouvrez le ban
Dépôt de gerbe par le CMJ
Dépôt de gerbe par l’ANACR
La sonnerie aux morts et la minute de silence
La Marseillaise
Fermez le ban

(Une fois que toutes les gerbes sont déposées, retentit la sonnerie aux Morts, suivie d’une minute de silence, puis du refrain de la Marseillaise. Les portes drapeaux abaissent leurs drapeaux pendant la sonnerie aux Morts et la minute de silence et les relèvent pendant la Marseillaise. Les autorités en uniforme saluent pendant la sonnerie aux Morts, la minute de silence et la Marseillaise)

Mot de L’ANACR par Thierry Loron

L’année dernière pour les 80 ans de la libération de notre village, le CMJ nous lisait le témoignage de Camille (Mamie) Bouvard, écrit en 2001, je vous lisais également des extraits de témoignages d’autres habitants qui souhaitaient rester dans l’anonymat. Nous avions également eu la chance d’accueillir au moment du bal de la libération à Saint Cergues, Lionel Martin, 102 ans, un des survivants de la célèbre compagnie des Francs-Tireurs et Partisans 93-15 (commandé par Marius Cochet, rallié sous les ordres de Tom Morel)…… et de recueillir son témoignage, juste avant son décès l’automne dernier.

Chaque année je me pose la question, que vais-je pouvoir dire qui n’a pas déjà été dit, quand je vois ceux et celles qui viennent, fidèle à la mémoire collective, que vais-je leur apprendre ? Et puis je me replonge dans les écrits de l’époque, dans les mémoires retranscrites fidèlement par l’ANACR et les historiens, je relis les horreurs, les récits glaçants et je sais qu’il y aura quelques personnes qui n’étaient pas là les années précédentes : Pour les nouveaux arrivés dans notre région, pour nos jeunes, les nouveaux membres du CMJ tout juste élus, pour ceux et celles qui ne connaissent que peu notre histoire, nous devons continuer à transmettre le sens de cette Résistance : par devoir de mémoire et d’honneur à ceux et celles qui se sont battus, qui sont tombés pour nous permettre de vivre cette avenir dont nous jouissons, au nom des 385 FTP qui sont tombés fusillés, morts au combat ou déportés. De toutes celles et ceux anonymes ou pas qui ont permis de par leurs actes de résister et de nous offrir la capacité de vivre aujourd’hui.

Car oui Il est des moments dans l’histoire d’un village, d’un peuple, d’une nation que nous ne pouvons oublier, il est des histoires que nous ne nous lassons pas de réentendre, il est des personnes qui suscitent notre admiration à travers le temps. Il est des actes héroïques qui nous impressionnent. Ils sont ancré dans la mémoire ultra localisée de notre village : Robert et Simone Amoudruz le rappellent en préambule de leur ouvrage sur la résistance à Machilly : « Décris bien la petite commune de Machilly pendant la dernière guerre mondiale et tu montreras ce que signifie, en tous lieux et en tous temps, le beau mot de la Résistance ».

Vous le savez, cela est repris dans les journaux, dans la mémoire de nos aînés et l’histoire se transmet année après année : le département de la Haute Savoie est le seul à s’être libéré par ses seules forces résistantes entre le 15 et le 20 août 1944 : Armée secrète, Francs-tireurs et Partisans côte à côte, avec le soutien de beaucoup d’autres anonymes, comme les agents de liaison en vélo dits les coursiers, pour la plupart des femmes, encore trop souvent méconnues. Des civils, des ouvriers, des femmes, des locaux, des engagés d’autres régions de France, organisés comme des militaires, se battant contre une armée, des miliciens issus de leurs villages ou étrangers.

Aujourd’hui, comme l’année dernière, nous nous retrouvons au foyer l’arbre de vie, anciennement l’Hostellerie Savoyarde, sur les lieux où tout a commencé il y a plus de 80 ans…, sur les lieux où Machilly s’inscrivit dans l’Histoire avec un grand H : ici dans ce bâtiment, aujourd’hui connu comme étant le Foyer l’arbre de vie et qui existe depuis plus d’un siècle. Le petit café tenu par Max Semellaz fut transformé en hôtel en 1931 avec 24 chambres, permettant aux touristes estivaliers de profiter des lieux en juillet et août. Mais surtout, sa cuisine et ses soirées dansantes chics attiraient les Genevois, et déjà à l’époque, 250 à 300 personnes arrivaient en train le dimanche pour profiter de la gastronomie des lieux. Ce lieu fut réquisitionné par les allemands pour y abriter une importante garnison, et ne retrouva jamais sa renommée d’antan, le fils du propriétaire vendit les lieux en 1963 à l’association générale des infirmes, et le bâtiment s’agrandit en 1980 pour devenir le Foyer Saint François puis l’arbre de vie tel que nous le connaissons aujourd’hui. Nos liens avec le foyer aujourd’hui est très important, le fait de célébrer cette cérémonie ici chaque année souligne l’attachement de notre village à ce lieu de commémoration pour ce qu’il fut et ce qu’il reste : aujourd’hui un lieu de lien social et de partage, un lieu qui sera rénové d’ici peu en conservant le bâtiment d’origine.

Nous vous avons déjà rappelé ce qui s’était passé ici, dans la nuit du 15 au 16 août 1944 alors que depuis déjà plusieurs mois, les Allemands essaient de préserver à tout prix l’axe routier Annemasse Thonon Evian pour ne pas isoler leurs garnisons de Thonon et d’Evian alors que les forces résistantes les mettaient à mal, engendrant des répressions de plus en plus violentes, dans les bois de Rosses, dans les bois de Machilly et de Tholomaz. Alors que les Allemands pensaient pouvoir tenir Machilly, les forces de la résistance planifiaient sa libération pour empêcher la garnison Allemande de porter secours à celle de Thonon : Des combattants de tout le territoire qui se mobilisent dès 14h dans la journée du 15 août et, les civils se réfugient dans les hauteurs de Machilly et Saint Cergues, les forces se rejoignent et mènent l’attaque depuis Langin, et après 5 heures de combat, se hisse le drapeau blanc. Les Allemands capitulent grâce à une stratégie coordonnée sur l’ensemble du territoire, et notamment grâce à l’appui de Saint Cergues ayant bloqué des renforts allemands au bois Davaud, au prix de la vie de 4 de leurs combattants. Ces actions ont été le préambule de la victoire sur le Chablais, les FTP du 93-15 rejoignant ensuite les autres combats pour continuer à libérer la haute Savoie. Jusqu’à l’armistice du 8 mai 1945, où tout à coup chacun avait été résistant, ironiquement bien plus que sur les champs de bataille et dans le quotidien de la lutte et du danger.

Aujourd’hui nous nous souvenons de ces actions qui sont le fruit de l’engagement beaucoup d’anonymes, de courageux qui se ont engagé contre l’occupation de leur territoire, contre la tyrannie et il faut bien le dire contre la barbarie de la torture, de la répression sanglante contre les résistants, leur famille, leur soutien car il en faut du courage pour être résistants, il en faut du courage pour œuvre jour après jour à combattre, à sauver des vies malgré le danger…et ce au quotidien …engagements qui nous reviennent aujourd’hui sous forme de témoignage anonymes : « j’ai fait ce que j’avais à faire, le reste ne compte pas. » , ils se souviennent et racontent… Le courage n’est pas anodin, on agit par automatisme, selon ses valeurs, selon ses convictions, ses idéaux, et toutes et tous n’en ont pas été capable. mais qu’aurions nous fait à leur place face à la terreur, au danger, à la trahison de voisins, la perte d’êtres chers, quand le fait de mettre sa vie en danger n’est pas descriptible par des mots mais que la panique est bien réelle et cette sensation de peur.

Mais ne pas oublier non plus qu’après les combats viennent la reconstruction et l’apaisement, le retour au vivre ensemble. Il s’agit sans doute de la part la moins glorieuse de notre histoire, celle où le ressentiment face aux injustices, aux traîtrises commises pendant la guerre va trouver son exutoire. La reconstruction du vivre ensemble après chaque libération aura sans doute fait beaucoup de dégâts et de nombreuses familles voient leur mémoire ternie par des actes qui ne s’effacent pas non plus : les exécutions sommaires de vengeance face à la trahison de son voisin, d’un proche, de l’autre sans possibilités de nier, de se justifier. Une période terrible qui, pour répondre à la barbarie, a tu la justice au nom de la vengeance, une histoire qui ne s’est pas racontée, qui été tu durant de nombreuses années, jusqu’à l’oubli. Malgré tout Machilly s’est reconstruite, Machilly a continué et les familles d’antan sont toujours là, les noms des conseillers municipaux de 44-47 puis les suivants restent et malgré les non-dits, malgré les souvenirs effrayants et tenaces des enfants de l’époque, malgré les stigmates des divisions de l’époque, c’est bien l’abnégation, le courage de certaines familles et la solidarité qui sont retenus dans la mémoire collective. J’aimerais vous demander que nous rendions hommage pas seulement aux actes que nous jugeons héroïques mais aussi à ces blessures et au courage de faire face à tous les souvenirs, à toutes ces cicatrices visibles et invisibles…et qui malgré tout n’a pas empêché pas le retour du vivre ensemble, comme le rappelle Simone et Robert Amoudrouz, au prix du silence et de l’oubli. Si les traces, les blessures les trahisons et les souffrances qu’ont laissées la 2nde guerre mondiale dans notre village ont pu être dépassées, si les valeurs de compassion et le courage sont ce qui reste dans les mémoires, alors ayons l’espoir que les querelles, les divisions et les fractures sociétales actuelles ne soient pas plus difficiles à réparer, que le bien vivre ensemble peut encore avoir de beaux jours, mais pas dans l’oubli de l’ensemble de ces actions, les bonnes comme les mauvaises…

Merci /remerciements porte-drapeaux / Le chant des partisans / Les Allobroges

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